EXERCICE DU DROIT DE GRÈVE DANS LE SECTEUR PUBLIC

 

Les travailleurs du secteur public sont régis par des règles très différentes suivant leur statut. La réglementation en matière de droit de grève y est donc beaucoup plus complexe et diverse qu’en droit privé, d’autant que l’existence d’une mission de service public permet de restreindre l’usage de la grève plus strictement que dans le secteur privé.

 

Le secteur public regroupe des fonctionnaires, des agents publics non titulaires ou stagiaires, des agents non titulaires et des salariés soumis au droit privé. Le régime du droit de grève diffère selon le type de secteur où travaillent ces agents (Services de l’État, collectivités territoriales, entreprises de droit privé chargées de la gestion d’un service public (EDF, France Télécom, entreprises de la propreté des villes...).

 

Qui peut faire grève ?

 

Tous les travailleurs du secteur public, qu’ils soient fonctionnaires, stagiaires, ou non titulaires de droit public, et les agents ou salariés de droit privé, en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée, sont soumis à l’article 7 du préambule de la Constitution française qui reconnaît à tous le droit fondamental de faire grève.

 

Il n’existe que de rares exceptions à cette règle : ainsi les policiers, les militaires, les personnels de l’administration pénitentiaire, ainsi que les magistrats de l’ordre judiciaire n’ont pas le droit de se mettre en grève.

 

Dès lors qu’un préavis de grève a été déposé, tout agent peut se mettre en grève, qu’il soit ou non syndiqué ou qu’il soit syndiqué dans une autre organisation que celle qui a déposé le préavis.

 

Qu’est-ce que la grève ?

 

La grève est une cessation collective et concertée d’activité en vue d’appuyer des revendications professionnelles. C’est un droit d’arrêter son travail pour faire pression afin d’obtenir des droits ou de les faire respecter.

 

La cessation du travail doit être totale. Le travailleur ne peut pas cesser partiellement son travail : il n’a pas le droit d’exécuter certaines tâches et pas d’autres.

 

La grève qui consiste à prendre son service mais à ralentir son travail ou à exécuter son travail de manière partielle ou défectueuse, est interdite.

 

La « grève du zèle » consiste à appliquer minutieusement toutes les consignes de travail et à exécuter avec un perfectionnisme exagéré les tâches confiées, ce qui a pour effet de ralentir ou de rendre impossible l’activité. Cette forme de grève est interdite par le juge ce qui est très contestable car si l’application minutieuse des consignes de travail rend impossible l’activité, cela signifie que ce sont les consignes qui sont inopérantes et cela ne devrait en rien constituer une faute de l’agent.

 

La grève tournante est la cessation concertée de travail à tour de rôle entre les différentes catégories de personnel dans le même service ou différents services dans le même organisme. Ce type de grève est également interdit dans le secteur public.

 

Sont également interdites : la grève sur le tas avec occupation et blocage des locaux de travail et la grève politique non justifiée par des motifs professionnels.

 

Exception :
Le personnel des communes de 10 000 habitants et moins n’est pas concerné par l’interdiction de la grève tournante.

 

Comment puis-je me mettre en grève ?

 

Le préavis

 

Les travailleurs du secteur public ne peuvent pas se mettre en grève tant qu’un préavis de grève n’a pas été déposé par les syndicats.

Ce préavis est déposé par les organisations syndicales considérées comme représentatives au niveau national dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé.

Il doit être déposé 5 jours francs avant le début de la grève auprès de l’autorité hiérarchique ou de la direction (maire, directeur de l’administration, ministre, président du conseil régional...). Il précise le champ géographique, l’heure et la date de début ainsi que la durée limitée ou non du préavis, la fin de la période de grève, ainsi que les revendications ou motifs de recours à la grève.

Pendant la durée du préavis, syndicats et direction sont tenus de négocier sur les revendications posées par les syndicats.

 

Particularités :

Les personnels des communes de 10 000 habitants et moins ne sont pas concernés par l’obligation de déposer un préavis.

Dans les établissements scolaires du 1er degré (écoles maternelles et primaires), les préavis de grève ne peuvent être déposés qu’à l’issue de négociations préalables entre l’État et les organisations syndicales représentatives des personnels enseignants.

 

L’heure de début et de fin

Le préavis prévoit un jour et une heure de début et de fin communs à tous les travailleurs mais ces derniers commencent la grève lorsqu’ils le souhaitent, pourvu que la période de grève reste dans la période prévue par le préavis déposé. Les travailleurs ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis : ils peuvent faire grève sur une période plus courte que ce que prévoit le préavis.

 

Que peut faire un agent durant le droit de grève ?

Un agent en grève est un agent qui n’est pas en service, cela lui permet donc d’être libre de tout mouvement. Il peut donc aller manifester, être en heure d’information syndicale etc… sans que le responsable de service ne puisse l’en empêcher.

 

Il lui est cependant interdit d’empêcher le service de fonctionner.

 

Les effets de la grève sur la rémunération

Le fait d’être en grève ne peut donner lieu à sanction disciplinaire. En revanche, la rémunération ne sera pas versée car elle n’est due qu’après service fait.

La déduction concerne la rémunération de base ainsi que toutes les primes. Sont en revanche exclus de la retenue les avantages familiaux et les indemnités liées au logement.

Dans la fonction publique territoriale, la retenue sur salaire doit être strictement proportionnelle à la durée de la grève. On doit comparer la durée de la grève à la durée de travail normalement attendue pour la période au cours de laquelle l’agent a fait grève.

La mention « grève » ne doit jamais être indiquée sur le bulletin de paie. Une autre mention doit figurer comme « service non fait » ou « service non rémunéré ».

 

Ai-je droit au maintien de mon salaire quand je fais grève ?

Pour les agents publics, il n’existe juridiquement aucun texte sur le paiement des jours de grèves, ce dernier étant le résultat des négociations obtenues localement entre l’employeur et les organisations syndicales.

 

Peut-on sanctionner un travailleur gréviste ?

Il est impossible de sanctionner un agent en raison de l’exercice normal de son droit de grève. La grève étant un droit, elle ne peut constituer une faute.

La sanction pécuniaire des retenues pour fait de grève est donc la seule conséquence possible de la grève.

L’agent ne pourra être sanctionné pour des faits commis pendant un mouvement de grève qu’en cas d’agissement grave, en lien avec le service public (exemple : injures prononcées à l’encontre de son supérieur hiérarchique).

 

Effets de la grève sur l’avancement d’échelon et de grade

Les périodes de grève sont sans effet sur les droits à l’avancement de grade ou d’échelon.

 

Recensement des grévistes, réquisition, service minimum et désignation

 

Recensement des grévistes

L’agent ou le salarié n’a pas à prévenir son administration ou employeur de sa décision de se mettre en grève avant que celle-ci ne débute. C’est à l’autorité ou à l’employeur concerné d’établir l’absence de l’agent ou du salarié lors de la grève.

 

Service minimum

Certaines catégories de personnel ont un droit de grève limité par la loi afin d’assurer un service minimum. Cela concerne, par exemple, les agents hospitaliers, les agents de la navigation aérienne, les agents du service public de l’audiovisuel, les agents hospitaliers, dans les maternelles et écoles élémentaires si l’enseignant est absent, un service d’accueil des élèves doit être mis en place par la commune ou les services de l’Éducation Nationale.

 

Réquisition

La réquisition oblige les travailleurs grévistes à reprendre leur travail.
Dans la fonction publique comme dans les entreprises privées, les salariés/agents grévistes peuvent être réquisitionnés uniquement par le préfet.
Cette réquisition est strictement encadrée par la loi.

Sur la forme, la réquisition doit être prise par un arrêté préfectoral, qui doit être motivé et contenir différentes mentions obligatoires (nature des prestations requises, durée de la réquisition, modalités d’application).

Par ailleurs, la réquisition doit être justifiée par l’urgence, et une atteinte à l’ordre public. Elle doit être proportionnée et ne peut pas être décidée lorsqu’il existe d’autres alternatives. De même, lorsque les agents non-grévistes sont en nombre suffisant pour assurer le maintien de l’ordre public, les réquisitions ne sont pas possibles.

La réquisition ne peut pas avoir pour effet de mettre en place un service normal.
Il est possible de saisir le juge pour faire cesser en urgence une réquisition illégale.

 

Désignation

De manière tout à fait scandaleuse et contraire à la Constitution française, les juges administratifs français ont admis la possibilité d’une désignation.

La désignation est un autre moyen d’empêcher des salariés de faire grève dans le secteur public. Il s’appuie en effet sur le principe de continuité du service public. Ainsi, en vertu d’une jurisprudence Dehaene de 1950, un chef de service peut procéder à la désignation des emplois nécessaires à la continuité du service public.
Cette possibilité est une création des juges, il n’y a donc pas de règle dans la loi fixant la procédure devant être suivie par le chef de service.

Certaines règles ressortent néanmoins de la jurisprudence administrative.
Ainsi, la désignation n’est évidemment pas justifiée si le service est déjà assuré par des employés non-grévistes.
La désignation doit être motivée et notifiée aux agents concernés.
Cette procédure est possible dans la Fonction Publique mais également dans les entreprises publiques.

 

Attention !

Les désignations peuvent faire l’objet de nombreux abus. Il faut garder en tête que : seuls les agents indispensables à l’exécution des obligations du service minimum peuvent être désignés, il doit y avoir une situation d’urgence, le nombre de désignés doit être restreint au strict minimum nécessaire au fonctionnement d’un service minimum, la désignation doit correspondre à une nécessité d’ordre public.

Si la désignation est justifiée, les agents qui refusent de s’y soumettre sont passibles de sanctions disciplinaires.

Pour faire cesser une désignation illégale, il est possible de saisir le juge administratif en urgence.